Des juristes internationaux de haut niveau vont rédiger une définition de l'"écocide".

75 ans après les crimes contre l'humanité et les génocides inventés à Nuremberg

 

Avocats internationaux Philippe Sands QC et Dior Fall Sow coprésident un groupe d'experts chargé de rédiger une définition juridique de l'"écocide" en tant que crime international potentiel qui pourrait être associé aux crimes de guerre, aux génocides et aux crimes contre l'humanité. Lancé avec des travaux préparatoires en novembre 2020, et devant rédiger la définition au cours des premiers mois de 2021, le groupe a été convoqué par la Stop Ecocide Foundation à la demande des parlementaires intéressés des partis au pouvoir en Suède.

Le concept de criminalisation des dommages massifs et de la destruction des écosystèmes ou "écocide" au niveau mondial n'a cessé de gagner du terrain ces derniers mois depuis que les petits États insulaires que sont le Vanuatu et les Maldives ont appelé à l'"examiner sérieusement" lors de l'assemblée annuelle des États parties de la Cour pénale internationale en décembre 2019. Le président français Macron a activement promis de défendre l'idée et la Belgique a soulevé la question directement auprès de la CPI dans sa déclaration officielle de 2020. Aujourd'hui, une liste impressionnante de juristes internationaux et environnementaux de haut niveau se penche sur la meilleure façon de le définir.

Le lancement du groupe de rédaction en novembre 2020 a eu lieu à un moment très opportun, puisqu'il marquait les 75 ans de l'ouverture des procès de Nuremberg contre des officiers nazis de haut rang en 1945. Philippe Sands QC, coprésident du groupe de rédaction sur l'écocide, figurait parmi les orateurs lors d'une cérémonie organisée dans la salle d'audience 600 de Nuremberg, lieu historique où se sont déroulés les procès. Le livre primé de Philippe Sands, East West Street, retrace les origines des termes "crimes contre l'humanité" et "génocide", utilisés pour la première fois dans cette même salle d'audience, ainsi que les avocats qui les ont utilisés. M. Sands est entouré d'une liste de juges et d'avocats de poids au sein du comité de rédaction, qui devrait achever ses travaux en juin 2021.

 

Animateur
Jojo Mehta, président de la fondation Stop Ecocide

Jojo Mehta, président de la fondation Stop Ecocide, qui a commandé les travaux du groupe d'experts, explique l'importance du projet :
Au fil des ans, des définitions de l'"écocide" ont été élaborées et le concept général, à savoir la destruction massive des écosystèmes, est relativement bien compris. Cependant, lorsque les parlementaires d'un certain nombre de pays, des États européens aux îles du Pacifique, examineront cette définition à la lumière d'une éventuelle proposition à la CPI, le texte qui émergera au cours des prochains mois devra être à la fois clair et solide sur le plan juridique. Il est essentiel que le groupe de rédaction dispose d'une expertise juridique approfondie et d'une large perspective géographique.

Elle est ravie de la composition du panel : "Nous ne pourrions être plus heureux du calibre des experts que ce projet a attirés. Il montre que le monde juridique reconnaît que l'écocide peut, et peut-être doit, être considéré comme l'un des "crimes les plus graves qui touchent l'humanité dans son ensemble", au même titre que le génocide et les crimes contre l'humanité. C'est un honneur de travailler avec ces juges et ces avocats, et c'est un moment extraordinaire que de lancer le projet au moment où l'on se souvient des premiers procès internationaux à Nuremberg".


Panel et commentaires :

Co-présidence
Philippe Sands QC, professeur, University College London/avocat, Matrix Law (UK/France/Maurice)

Il y a soixante-quinze ans, les termes "crimes contre l'humanité" et "génocide" ont été prononcés pour la première fois dans la salle d'audience 600 de Nuremberg. J'espère que ce groupe pourra s'appuyer sur l'expérience acquise depuis ce jour pour élaborer une définition qui soit pratique, efficace et durable, et qui puisse susciter un soutien permettant d'apporter un amendement au statut de la CPI.

Coprésident
Dior Fall Sow, juriste de l'ONU et ancien procureur (Sénégal)

"Les nombreuses atteintes à l'environnement et aux conditions de vie des populations sont inquiétantes... La reconnaissance de l'écocide comme crime international est l'approche la plus appropriée pour lutter contre l'impunité de ce crime et de ses auteurs".

Co-présidente adjointe
Kate Mackintosh, directrice exécutive, Institut Promise pour les droits de l'homme, Faculté de droit de l'UCLA (États-Unis/Royaume-Uni)

"L'écocide est un crime international dont le moment est venu. Il est de plus en plus évident que la destruction criminelle de notre environnement ne peut plus être réglementée au niveau national. La destruction de l'environnement est véritablement un crime contre nous tous".

Co-présidence adjointe
Richard J Rogers, associé, Global Diligence ; directeur exécutif, Climate Counsel (UK)

"Le Statut de Rome interdit les actes qui 'menacent la paix, la sécurité et le bien-être du monde'. Il est incomplet sans le crime d'écocide".

Rodrigo Lledó
Directeur, Fundación Internacional Baltasar Garzón (Chili)

"L'écocide est un crime qui n'existe pas encore, mais dont nous avons besoin de toute urgence à notre époque. La destruction des écosystèmes compromet aujourd'hui l'espoir d'un avenir pour l'humanité et met dangereusement en péril l'ensemble de la vie sur terre".

Tuiloma Neroni Slade
Ancien juge de la Cour pénale internationale (Samoa)

"Il ne peut y avoir de moment plus exigeant pour que la communauté internationale prenne des mesures efficaces, conformément aux dispositions du Statut de Rome, pour faire face aux dangers alarmants et toujours plus manifestes de la destruction massive de l'environnement, du changement climatique mondial en particulier, et aux conséquences des dommages graves, inhumains et disproportionnés subis par les communautés du monde entier, en particulier les plus irréprochables et les plus vulnérables".

Syeda Rizwana Hasan
Directrice générale de l'Association des juristes de l'environnement du Bangladesh (Bangladesh)

"Pourquoi les auteurs de catastrophes environnementales causées par l'homme ne seraient-ils pas punis ? Ces catastrophes tuent des centaines, des milliers et parfois des millions de personnes au fil des ans. Ces crimes sont des crimes contre la Terre mère qui affectent plusieurs générations.

Charles C Jalloh
Professeur, Université internationale de Floride/Commission du droit international des Nations unies (Sierra Leone)

"Les États devraient utiliser tous les outils à leur disposition, y compris leur pouvoir en matière de droit pénal aux niveaux national et international, pour protéger l'environnement mondial que nous partageons et pour traduire en justice les auteurs les plus responsables.

Valérie Cabanes
Juriste internationale et experte en droits de l'homme (France)

"Les dérèglements climatiques et écologiques actuels alimentent les injustices et les tensions géopolitiques tandis que les saccageurs de la planète restent impunis. Il est donc urgent d'exiger de nouvelles formes de responsabilité et de solidarité, en reconnaissant un cinquième crime international, le "crime d'écocide"."

Pablo Fajardo
Avocat spécialiste de l'environnement (Équateur)

"Je vis en Amazonie équatorienne... je suis témoin de la manière dont des crimes sont commis quotidiennement contre la nature, contre la vie. Ces crimes pèsent sur l'humanité ... et restent impunis en raison du grand vide juridique qui existe au niveau mondial."

Christina Voigt
Professeur, Université d'Oslo (Norvège)

"Nous assistons à une destruction systémique et délibérée de l'environnement sans conséquences évidentes. En établissant qu'à partir d'un certain seuil, de telles actions constituent des crimes, on pourrait rendre la justice, mais aussi, et c'est plus important, empêcher d'autres destructions".

Alex Whiting
Ancien coordinateur des poursuites de la Cour pénale internationale/professeur à la Harvard Law School (États-Unis)

"La menace qui pèse sur l'environnement est le défi de notre époque. Le droit pénal international peut contribuer à la solution, c'est pourquoi il est essentiel de définir et de mettre en œuvre le crime d'écocide".


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